Evaluation : la sécurité passée au crible
La politique de sécurité menée par la Ville vient d’être passée au crible par un expert indépendant. Principaux enseignements, l’excellence du réseau de vidéoprotection et le rôle clé joué par de multiples structures en matière de prévention.
Chaque année, la Ville demande à un cabinet indépendant de présenter lors d’un conseil municipal l’analyse de tel ou tel pan de ses actions. Cette année, c’était au tour de tout ce qui touche à la sécurité des Carolomacériens, à commencer par l’action de la police municipale. « Ce n’est en rien une obligation, rappelle Boris Ravignon, mais nous nous devons d’ être efficaces. Et quoi de mieux qu’un oeil averti et indépendant pour nous montrer ce qui fonctionne bien, mais aussi les points à améliorer ? » C’est donc Hubert Weigel, expert en matière de sécurité publique (voir l’encadré page 8), qui s’est chargé de cette évaluation, examinant à la loupe le fonctionnement de notre police municipale, mais rencontrant également tous ceux qui jouent un rôle en matière de sécurité urbaine : préfet, procureur, directeur de la police nationale, ainsi que de nombreux représentants locaux de l’Éducation nationale ou de responsables d’associations oeuvrant peu ou prou dans le domaine de la prévention.
Une prévention de la délinquance jugée utile
Et en la matière, « Il existe une vraie dynamique de prévention dans votre ville », constate Hubert Weigel, qui s’avoue « très agréablement surpris vu l’ implication de nombreuses structures qui exécutent un travail de terrain remarquable, notamment dans les quatre quartiers prioritaires. Je pense en premier lieu aux quelque 130 associations qui, à l’ initiative de la commune, ont signé une Charte de la vie associative, valant contrat d’engagement républicain. Sans oublier les bailleurs sociaux qui eux aussi jouent le jeu. J’ai rarement vu une ville dans laquelle existait une telle interaction entre prévention et sécurité. » Résultat, malgré des caractéristiques a priori défavorables (taux de chômage supérieur à la moyenne nationale, existence de quatre quartiers classés « prioritaires de la politique de la ville », proximité de la frontière), « la délinquance est globalement maîtrisée. Selon les indications qui m’ont été communiquées par le ministère de l’Intérieur, Charleville- Mézières se situe parmi les meilleures villes de sa strate. » Pour autant, si « la délinquance générale observée sur l’agglomération n’augmente pas particulièrement ces dernières années », Hubert Weigel attire l’attention sur deux points. D’une part « les violences intrafamiliales et celles dont sont victimes les enfants », dont le nombre demeure élevé, d’autre part « les affaires d’usage et de trafic de stupéfiants, avec sept à huit points de deal. »
Les caméras au service de la sécurité
Autre constat dressé par l’ancien patron des CRS, « la montée en puissance de la police municipale », particulièrement bienvenue car cela lui permet « de suppléer la police nationale dans son rôle traditionnel de police de proximité, rôle que cette dernière ne parvient plus à assumer » compte tenu de l’aspect chronophage de ses tâches judiciaires. Cette montée en puissance se traduit par la présence de 35 agents qui patrouillent chaque jour sur l’ensemble du territoire carolomacérien, contre seulement 20 en 2020. L’organisation de la police municipale « avec deux équipes de jour renforcées par huit agents de surveillance de la voie publique et deux équipes de nuit auxquelles s’adjoignent deux groupes de sécurité et d’ intervention employés de jour et/ou de nuit, permet une occupation du terrain, la couverture horaire des équipes allant de 7 heures (sauf le samedi) à 2 heures le lendemain (sauf le dimanche) ». Des hommes et des femmes, mais également du matériel de qualité. Hubert Weigel semble visiblement avoir été impressionné par le CSU, ou Centre de supervision urbain, comprenez le vaste local abritant les écrans géants qui diffusent en direct les images envoyées par les 130 caméras disséminées en ville : « C’est un remarquable moyen de vidéoprotection de la voie publique, en capacité de détecter ou d’anticiper le développement d’un évènement troublant la sécurité, la tranquillité ou l’ordre public, en prévenant sans délai les effectifs des polices municipale ou nationale. » Et l’ancien préfet d’expliquer la scène à laquelle il a assisté en direct, depuis ce fameux CSU, alerté par un Ehpad de la disparition inquiétante d’une personne âgée : « On avait l’ heure approximative de sa sortie de l’Ehpad ainsi qu’une description sommaire de sa tenue. Avec ces deux éléments, grâce aux caméras, on a pu facilement le localiser et le ramener sain et sauf à sa résidence. » Conclusion, « aux dires des professionnels de la police nationale, le CSU de Charleville- Mézières est le plus performant du Grand Est pour les villes de même strate. »
Comment faire encore mieux ?
Dernier chapitre de cet audit plutôt exhaustif, deux préconisations. À commencer par la création d’un Conseil local de sécurité et de prévoyance de la délinquance regroupant mairie, préfecture, procureur et « toutes les structures intervenant sur les quartiers prioritaires. Il permettrait de favoriser l’ échange d’ informations entre les intervenants et de se fixer des objectifs communs. » Autre suggestion, « le renforcement de la complémentarité entre les polices nationale et municipale » qui pourrait passer par « une convention de coordination et l’amélioration des échanges radio comme des images du CSU ».
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Un plus qui fait la différence
Entre 2020 et 2025, le nombre de caméras installées en ville, tous quartiers confondus, est passé de 67 à 130. « Mais nous présentons une particularité rare, précise Quentin Clarin, adjoint en charge de la sécurité. C’est l’utilisation tout au long de l’année de caméras nomades que nous plaçons et déplaçons à volonté. » Elles sont bien sûr mises en place lors de manifestations importantes, style Cabaret vert ou Festival des marionnettes, mais sont également utilisées en fonction de tel ou tel renseignement remontant du terrain. « Cette souplesse se traduit par plus de réactivité et donc d’efficacité. Un plus qui nous permet parfois de faire la différence ».
Un flic de haut vol
C’est à un expert de la sécurité auquel la Ville a confié cet audit. Hubert Weigel a débuté sa carrière en étant affecté dans différents commissariats, assurant pendant près de 30 ans les tâches quotidiennes d’un membre de la police nationale, « judiciaire, proximité avec la population ou maintien de l’ordre. » Progressant rapidement dans la hiérarchie, il est nommé en 2008 à la tête de la police technique et scientifique, à l’échelle nationale, responsabilité qu’il assume durant près de 3 ans, puis quitte « les éprouvettes pour passer aux matraques », explique-t-il avec humour : il devient en effet le patron des Compagnies républicaines de sécurité, les fameuses CRS. « On les connaît pour le maintien de l’ordre, mais on oublie trop souvent leurs autres missions, comme le secours en montagne ou la présence de maîtres-nageurs CRS sur les plages. »
Nommé préfet, il est en charge de la sécurité du G20 de Cannes, en 2011, auquel ont participé une vingtaine de chefs d’État, ou de celle de la Cop 21, en 2015, à Paris, avec cette fois près de 150 « VIP » : Obama, Poutine, Hollande, Trudeau, Jinping, Merkel, Albert II, Netanyahou, le prince Charles… « Le tout 15 jours après les attentats du 13 novembre. C’était chaud… ».
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